Projetée

Tony Oursler


Tony Oursler, Guilty, 1995. Exposition Without You I Am Nothing, Museum of Contemporary Art, Chicago


Tony Oursler dans son atelier à New York (document Tate Modern)

 

Masaki Fujihata


Masaki Fujihata, Portray the Silhouette, installation, 2006

Comme souvent, la projection est le support d’un récit et d’une certaine théâtralité. La silhouette de l’artiste, projetée en vidéo, lisant, servant du thé, prenant sa tasse, se combine à celles des visiteurs qui viennent s’assoir à « sa table ». Volontairement très simple et sans mystère technologique, cette pièce introduit une distance critique dans une exposition où figurent par ailleurs interactivité et virtuel. JLB

William Kentridge

William Kentridge pratique le dessin pour projection (drawings for projection), réalisant des dessins animés entre 1989 et 2003 «dont le fil conducteur est construit autour de deux alter ego le premier est un homme d’affaires, dirigeant d’un empire entrepreneurial en décomposition dans l’Afrique du Sud de l’apartheid et post-apartheid, le second est un artiste». Il reprend les techniques du pré-cinéma et de la fantasmagorie.


Drawing for ‘What Will Come’ (Gas Mask and World on legs), 2007. Frieze Art Fair, Regent’s Park, Londres, vendredi 17 octobre 2008. Photo Jean-Louis Boissier


La Négation du temps, William Kentridge, Philip Miller, Catherine Meyburgh
5-channel projections with megaphones and a breathing machine (elephant) c. 24 min.
Le Laboratoire et Documenta 13, 2012.
«L’histoire de la relativité, dans ses dimensions à la fois scientifiques et philosophiques
fournit l’essentiel du matériau visuel [théâtre d’ombres] pour en explorer les implications métaphoriques et
[…] ne pas accepter que l’information s’évanouisse à l’intérieur du trou noir.»


William Kentridge, Cinq thèmes, rétrospective de son travail au musée du Jeu de Paume, 2010

Les Lumières en question

Q.: «En quoi Le Nez [opéra de Dmitri Chostakovitch produit par Kentridge] se rapporte-t-il à notre situation sociale et politique actuelle ?

W. K.: Je pense qu’il s’y rapporte de façon oblique. L’un de mes principaux centres d’intérêt consiste à retourner aux racines du modernisme, lequel ne se clôt ni avec Matisse ni avec Pollock. Quand j’étais jeune, l’histoire conventionnelle envisageait l’art moderne de la manière suivante : après avoir traversé l’Atlantique après la Seconde Guerre mondiale, il finit avec le colorfield painting ou l’expressionnisme abstrait américain, l’« esprit du monde » se donnant à voir dans l’œuvre d’Helen Frankenthaler. Une autre racine du modernisme est russe. La Russie a vu la relation entre l’innovation formelle et l’engagement politique se rompre et disparaître. Le Nez revient sur cette rupture pour tenter de discerner ce qui pourrait encore pousser à partir de telles racines. Il est aussi question de la certitude et de la totale complaisance de l’Occident —la conviction du capitalisme tardif selon laquelle les banquiers auraient la solution et que ce qui serait bon pour Goldman Sachs serait bon pour le monde. Cette croyance fondamentale des années 1970-1990 s’est avérée fausse. Il s’agit donc de savoir jusqu’où nous devons retourner pour espérer trouver une compréhension différente du processus et de l’histoire.
La Flûte enchantée questionne les limites et les erreurs des Lumières. Le Nez interroge ce que nous avons perdu lorsque la possibilité du socialisme s’est étiolée. Si le colonialisme est l’autre versant des Lumières —on ne peut le considérer comme une pure erreur, dans la mesure où il est empreint de la structure même des Lumières— le stalinisme n’est pas simplement une erreur, mais il s’inscrit au cœur même du communisme. Mais, de même que le colonialisme ne suffit pas à discréditer toutes les idées libérales que nous tenons des Lumières, de même la pourriture qui mine le communisme ne devrait pas nous aveugler face aux possibilités émancipatoires qu’il recèle. Mon intérêt pour le Nez consiste à les retrouver pour en affirmer les possibilités de transformation, et non pas simplement de produire une élégie de leur échec.» «William Kentridge : les Lumières, l’art et l’histoire», interview par Eleanor Heartney – art press n°369 (juillet 2010)